Le jour J… et les suivants

1er mars 2019 : ayé, c’est officiellement mon 1er jour de chômage.

RAS.

J+2

Deux jours plus tard, toujours rien… Je décide d’aller à la pêche aux infos : qui va me contacter et comment ? J’ai l’impression d’entrer dans un escape game… Je marche à taton, sur la pointe des pieds, je m’attends à tout. Je me rends à l’agence près de chez moi là où je me suis inscrite.

J’entre. Un monsieur est devant moi dans la queue à l’accueil… Au bureau de l’accueil se trouve la même personne qui m’avait inscrite à la mauvaise réunion d’info, lors de ma première venue. Aïe, je redoute une autre boulette du coup.

Le monsieur devant moi, environ 55-58 bien tassés, mais surtout bien usé physiquement, certainement un ouvrier du bâtiment ou quelque chose comme ça. En effet, il tient un dossier CSP où je lis « couvreur zingueur ». J’ai mal pour lui. Non seulement il fait un boulot super physique qui casse, mais en plus on le met sur le carreau… à son âge. Je me dis que notre société est bien en retard sur son XXIème siècle. Il me semble inhumain de faire bosser aussi dur des gens de nos âges (> 55 ans). Moi je suis exténuée par les transports et la fatigue nerveuse de 8h d’écran par jour, de tous les bouts de tâches différentes que je devais faire tous les jours, de tous les contrats que j’ai dû gérer débilement sans avoir toutes les infos pour comprendre, de toutes les mises en difficultés permanentes devant les clients que je devais former alors que moi-même je survolais le sujet, par le stress et le besoin de reconnaissance professionnelle qui a manqué, … lui, en plus, il est rincé, cassé physiquement… Franchement, est-il normal aujourd’hui, avec ce que la médecine nous dit, avec ce que la technologie nous permet de continuer à passer plus de temps au travail qu’avec les siens ? Ne serait-il pas raisonnable, voire normal, juste, judicieux et humainement moral de donner la moitié de son temps à la société du travail et se garder l’autre moitié pour soi, sa famille, la nature, l’art, l’entre-aide… ? J’ai toujours imaginé que le progrès serait toujours devant nous et que celui-ci n’avait qu’un seul but, ne pouvait n’avoir qu’un seul but : le mieux-être de l’Homme. J’ai toujours imaginé que c’était là le seul but de chacun sur cette terre, en tout cas de tous ceux qui ont le pouvoir de bouger les lignes. Faut croire que j’ai rêvé. Je suis bien naïve.

Avec ce monsieur, on se parle. Lui aussi a choisi le CSP mais il doit remplir un dossier (double page A4) … qu’il me semble ne pas avoir rempli. Un doute m’assaille…

L’accueil se libère et arrive le tour de mon couvreur zingueur : « ha mais vous devez remplir le dossier ! pffff. On va vous mettre à côté pour le remplir. Vous avez un crayon ? Non ? Ben faudrait en avoir un hein ! Je vous en prête un mais faut me le rendre hein ! ». Tout ça en parlant très fort dès fois que ce pauvre couvreur zingueur serait sourd peut-être.

Je tente un timide : « heu, moi aussi je dois sans doute remplir ce dossier… »

– « Non, vous je ne pense pas. Votre nom ? Votre dossier a dû être envoyé par votre employeur… je vérifie. »

Là je suis assez estomaquée… Se souvient-elle de moi ? Comment sait-elle que c’est mon employeur qui a fait la démarche ? y’a un peu de magie dans l’air…

« ha ok… mon nom c‘est « Paradis » (à chaque fois que je donne mon nom d’épouse, c’est magique, ça fait plaisir aux gens et ça enlève toute pression !) ». J’avoue en jouer…

Mon hôtesse d’accueil : « Votre dossier a bien été envoyé par votre employeur, on va le traiter. Vous n’avez rien à faire. »

Silence. Cet écran magique qui sait tout qui voit tout et qui fait tout indique en effet que mon dossier est reçu et en cours de traitement. Je n’ai rien à faire d’autre qu’à attendre chez moi qu’on me contacte. C’est tout à fait excitant !!

Je remercie servilement mon hôtesse et je sors. Bon, à ce stade ils n’ont toujours pas mon mail perso, ne me l’ont pas demandé… faudrait pas que je perde mon tel portable car a priori ils n’ont que ça pour me contacter ! Mais la magie devrait opérer.

J+3

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J+5

Coup de téléphone. Une voix masculine très douce se présente comme mon conseiller Pôle emploi et me demande de passer compléter mon dossier. Il manque un volet A4. Ha ha, je ris, franchement, sincèrement, mais intérieurement. Entre magie et administration, il y a vraiment un truc 🙂.

Mon cher conseiller me propose un rendez-vous le jour où justement je suis convoquée à la réunion d’information CSP (la bonne cette fois-ci, celle qui suit l’inscription). Du coup, il me donne rendez-vous la semaine suivante, mais avec un autre conseiller, M. C. Il me dit :

« C’est pour mettre dans les tuyaux vos indemnités … on est dans les temps, pas de problème ». A la bonne heure !

Je dois avouer que la seule chose qui aura vraiment bien fonctionné, c’est le versement des mes indemnités !

J+12

Je vais à mon rendez-vous à l’agence et demande à voir M. C. Je monte à l’étage et attends. Je tombe sur une connaissance qui travaille chez Popole. A nouveau, je perçois un malaise dans son regard : « ha tu t’es faite licenciée. Ha zut. Bon c’est qui ton conseiller ? »

Je lui réponds Monsieur T, mais que là je viens voir Monsieur C. « Bon, je vais lui dire de prendre soin de toi. ».

C’est vraiment gentil de sa part, mais j’espère au fond de moi que tout le monde est bien traité ici ! A moins que cela ne préfigure des mauvais traitements un peu généralisés ? je ne sais pas trop quoi penser…

J’en profite pour lui dire que j’ai fait le choix du CSP, que je trouve ça plutôt avantageux et intéressant, mais que je veux bien son avis, car il y a peut-être des contre parties lourdes que je n’ai pas captées.

Alors un mot sur ce programme CSP. Proposé essentiellement lors d’un licenciement économique, il permet d’être indemnisé de suite sans carence, et ce à quasiment hauteur de son ancien salaire (genre quasi 90%… du net). Alors un autre mot pour ceux qui ne connaissent pas le chômage et son indemnisation, voici le « régime classique » : lorsque vous quittez votre emploi et que vous touchez une indemnité d’ancienneté et /ou de licenciement, Popole calcule un délai de carence en rapport avec cette prime, sensée vous faire vivre durant cette carence. Un petit peu honteux non ? A qui demande-t-on la même chose ? de bouffer toute sa prime avant de percevoir ses alloc ? C’est comme si on disait aux grands patrons « ben votre parachute doré là il vous servira de chômage et de retraite. Ce n’est que quand vous aurez tout bouffé qu’on vous versera quelque chose… ». Avis aux pourfendeurs « des chômeurs fainéants qui profitent de nos impôts ». Ensuite, non seulement vous aurez bouffé toute votre indemnité mais ensuite vous ne toucherez plus que 57% de votre brut. Ha faut l’anticiper ! parce qu’on se retrouve vite à faire ses courses chez Lidl ☹… voire à ne faire que des demi-caddies, toujours chez Lidl

Donc ce programme CSP est plutôt intéressant et devrait même être proposé à tout nouveau chômeur. La contrepartie demandée au « feignasse de chômeur » ? donner ses 3 mois de préavis (c’est quand même 3 mois de salaire chargé) et s’engager à suivre l’accompagnement proposé.

Donc, tout ça me paraît bien, vraiment bien sinon normal mais j’ai quand même un doute sur la contrepartie. Y aurait-il quelque chose qui m’aurait échappé ? la mariée me parait trop bien habillée, et je suis de nature méfiante. D’ailleurs le fait de nous laisser 21 jours de réflexion avant d’accepter me fait craindre une « baleine sous gravillon » ; ou bien ce délai a été judicieusement calculé pour faire qu’on oublie (les chômeurs sont tellement tête en l’air… ça je l’ai bien entendu de nombreuses fois) … car il est bien indiqué dans un coin « Attention, sans réponse dans les 21 jours, le CSP ne sera pas activé ». [1]

Extrait du dossier CSP

Ha oui, petit détail : les personnes en CSP ne sont pas comptabilisées dans les chiffres du chômage. Pour ça, ils peuvent bien nous faire une fleur !

[1] A propos du CSP : https://www.pole-emploi.fr/candidat/le-contrat-de-securisation-professionnelle-csp–@/article.jspz?id=61019

« ha non c’est un bon système. Je te conseille de l’accepter ! » me dit immédiatement mon amie.

Merciiii ma copine ! J’ai enfin un avis sûr qui corrobore le mien.  Quel soulagement d’être certain de ne pas avoir fait d’erreur. Quand on n’a pas trop de fric et une famille à charge, il ne faut vraiment pas se tromper sous peine d’entraîner dans la galère ceux qu’on aime. La perspective de porter préjudice au bien-être de ma famille me tétanise (c’est pour cette raison que je suis restée si longtemps dans cette boite qui m’a vraiment maltraitée surtout vers la fin, que j’ai accepté beaucoup de choses au prix d’y laisser de ma santé et de friser le burn-out, que j’en suis ressortie écrabouillée mentalement avec une confiance en moi en miette). Ces situations de mise en précarité sont hyper stressantes, les politiciens qui jouent avec ces réformes devraient le savoir. Ceux qui veulent durcir les règles aussi : c’est déjà très dur, on se sent écrasé, aplati, moins que rien et en plus on va galérer avec l’argent. C’est plus qu’une double peine. Mais en ont-ils quelque chose à faire… ?

Mon tour arrive. Monsieur C. très sympa me fait asseoir, me demande des infos qu’il saisit directement, me fais signer le récapitulatif et zou : « voilà, vos indemnités vont pouvoir être enclenchée ». 5 mn montre en main. A la bonne heure !